Usage des biens
Les textes ont longtemps fait référence à la notion d’ « affectation». Mais en 2005, afin de remédier à la confusion que ce terme engendrait par rapport à la notion de « destination », le législateur lui a substitué le terme d’ « usage ». La distinction entre les deux notions n’en reste pas moins délicate, notamment lorsqu’il s’agit d’aborder les thématiques de changement de destination et d’usage. Pourtant, il résulte de cette distinction plusieurs conséquences pratiques qui résident dans la différence de champs d’application, des règles de procédure, des motifs de refus, des prescriptions, des voies de recours et des sanctions.
Le changement d’usage
L’usage des bâtis correspond à un élément de fait, relatif à ce à quoi un immeuble est utilisé. Il relève d’une prérogative issue du Code de la construction et de l’habitation, destinée à éviter que ne disparaissent, dans certaines parties du territoire français, les bâtiments d’habitation au profit d’autres usages. Au regard de la réglementation, il n’existe ainsi que deux catégories d’usages : les logements et les autres locaux qui ne sont pas à usage d’habitation.
L’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation souligne que par principe, le changement d’usage a un caractère personnel. En d’autres termes, il est accordé à l’administré qui en a fait la demande et est à ce titre incessible. Le changement d’usage est donc provisoire, pour la durée d’occupation du local par le bénéficiaire de l’autorisation. Mais le local doit ensuite revenir à l’habitation.
Par exception, en cas d’autorisation de changement d’usage avec compensation (le propriétaire s’engage à transformer en habitation un local à usage autre), l’autorisation est alors attachée au bâti et non plus à la personne. Elle revêt ainsi un caractère réel et définitif : l’autorisation devient « transmissible » et le local n’est définitivement plus considéré comme un local d’habitation.
Précisons encore que la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, a institué un régime particulier pour les locaux mixtes, constituant à la fois la résidence principale du demandeur et son lieu d’activité professionnelle.
Le changement de destination
La destination des bâtis est, quant à elle, régie par un tout autre droit, celui de l’urbanisme. Elle correspond à ce pourquoi une construction est édifiée, la destination figurant parmi les éléments que doit indiquer la demande d’urbanisme relative au bien (permis de construire ou déclaration préalable).
Le décret du 28 décembre 2015 portant nouvelle codification du livre Ier du Code de l’urbanisme, a redéfini la notion de « destination des constructions », autrefois précisée à l’article R*123-9 du Code de l’urbanisme. Dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, l’article R*123-9 visait neuf types de destination possible d’un bien immobilier : l’habitation, l’hébergement hôtelier, les bureaux, les commerces, l’artisanat, l’industrie, l’exploitation agricole ou forestière, les entrepôts, les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif. Désormais, c’est l’article R*151-27 du Code de l’urbanisme, qui fixe la liste des cinq destinations possible : l’exploitation agricole et forestière, l’habitation, le commerce et les activités de service, les équipements d’intérêt collectif et les services publics, les autres activités des secteurs secondaire et tertiaire.
Retenons en outre que tout local accessoire est réputé avoir la même destination que le local principal auquel il se rapporte. Ces cinq destinations peuvent par ailleurs être déclinées en sous-destinations comme précisé à l’article R*151-28 du Code de l’urbanisme, et plus précisément définies par l’arrêté du 10 novembre 2016.
Il y a alors changement de destination si un immeuble passe de l’une à l’autre de ces catégories. On l’aura compris, le changement de destination s’attache au local et est donc définitif au regard des règles d’urbanisme.
Le changement de destination d’un bâtiment existant est autorisé en raison de la délivrance d’un permis de construire (article R*421-14 Code de l’urbanisme) dès lors que ce changement s’accompagne de travaux ayant notamment pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment. En dehors de cette obligation,
une simple déclaration préalable est suffisante (article R*421-17, b) du Code de l’urbanisme).
Le changement de sous-destination n’est quant à lui soumis à aucune formalité, dès lors qu’il ne s’accompagne pas de travaux modifiant les structures porteuses ou la façade du bâtiment.
Le cas particulier de la copropriété
Si le local est régi par le régime de la copropriété, donc soumis à l’application de la loi du 10 juillet 1965, il est impératif d’interroger le règlement de copropriété de l’immeuble. Celui-ci comporte généralement une clause afférente à la destination de l’immeuble, laquelle détermine l’autorisation ou la prohibition d’activités. La réponse relève donc d’un examen au cas par cas. Selon le cas, il faudra solliciter ou non l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. Par exemple, un copropriétaire a le droit d’affecter un lot à usage commercial à l’usage d’habitation sans autorisation de l’AG (Cass. civ. 3e, 5 janvier 1994), sauf si le règlement de copropriété prévoit le caractère obligatoire de la destination commerciale des lots du RDC (Cass. civ. 3e, 26 avril 2006).
Pour conclure simplement, retenons que la destination gère le « contenant » de l’immeuble tandis que l’usage gère le « contenu » du local.
Source : Caroline THEUIL, www.journaldelagence.com